Voir l'image en grand1 votes1 vote0 vote1 votes1 vote0 voteUn jour, dans la Corée des grands maîtres zen, un jeune moine alla voir le très grand maître zen Hyang Bong.
- Maître s'il vous plait, enseignez moi la sagesse, et la vérité de toute chose, celle qui ouvre le coeur et traverse l'existence même.
Hyang Bong répondit:
- Je suis désolé, mais mon enseignement, la transmission de la grande sagesse de la vérité qui va au delà de toute chose, cette sagesse qui déploie le coeur et traverse l'existence, est bien trop cher.
- Combien est-ce qu'il coute?
- Combien peux tu payer?
Le jeune moine fouilla dans sa besace et il y sortit quelques pièces:
- Voilà tout ce que je possède; donnez moi ce trésor du coeur, enseignez-moi.
- Tu pourrais m'offrir tout l'or du monde, une montagne d'or aussi haute que le mont Fuji, et pourtant mon enseignement, le trésor du coeur, serait pour toi encore trop cher.
Alors le jeune moine partit pratiquer la méditation dans un ermitage de longues semaines durant. Puis il revint voir le maître et lui dit:
- Maître je vous donnerais ma vie, me soumettrais à votre commandement, je serai pour toujours votre disciple; enseignez-moi le trésor qui libère le coeur; donnez-moi votre enseignement!
- Même si tu pouvais m'offrir mille vies, mon enseignement serait encore trop cher.
Découragé, le jeune moine s'en alla, et pratiqua la méditation zen intensément et de tout son coeur des mois et des mois durant. Puis il revint:
- Voilà, je vous donnerai mon esprit; allez-vous m'enseigner maintenant?
Hyang Bong lui répondit:
- Ton esprit est un seau d'ordures puantes. Je n'en ai que faire de ton esprit. Et même; tu pourrais m'offrir dix mille esprit, mon enseignement, le trésor du coeur, serait encore trop cher pour toi.
Une fois de plus le jeune moine partit pratiquer très durement, les formes d'ascèses les plus ardues et médita de longs mois. Puis une compréhension se fit jour en lui, il perçut que l'univers est vide et que tout ce qui apparaît, disparait aussitôt tout au long des existences. Alors il revint:
- J'ai compris ô combien votre enseignement est cher.
- Combien coute-t-il donc? repris le Maître Zen.
- HHAAAAAHHHHHHHHH!!!!!!!! cría le jeune moine.
- Non, il vaut plus que ça. Répondit Hyang Bong.
Le jeune moine s'en alla plongé dans une confusion et un désespoir total. Il fit alors le voeu de ne plus revenir voir le Grand Maître Zen tant qu'il n'aurait trouvé le trésor du coeur, la vérité de l'existence, celle qui ouvre le coeur et libère infiniment; l'éveil suprême.
Quelques années plus tard ce jour arriva; alors il revint voir le Grand Maître Zen:
- Maître, à présent je comprends: le ciel est bleu, l'herbe est verte.
- Non, non, non!! mon enseignent vaut plus cher que ça!
C'est à ce moment là que le jeune moine fut pris de colère et qu'il se mit à crier:
- J'ai déjà perçu cet enseignement qui était sous mes yeux depuis l'origine et bien avant ma naissance! J'ai déjà compris!!! Alors votre enseignement vous pouvez y nettoyer vos selles avec!!!
Hyang Bong sourit en sirotant son thé bleu.
L'étudiant sans se prosterner tourna le dos au maître et partit; mais juste au moment où il allait franchir le seuil pour quitter la pièce, le Maître Hyang Bong lui dit:
- Attends un moment.
Le moine tourna la tête surpris. Hyang Bong ajouta:
-Ne perds pas mon enseignement; n'égare pas le trésor du coeur!
En entendant ces mots, le moine fut éveille et traversé d'une grande sagesse, d'une immense liesse.
Nous sommes en train de courir la course effrénée des cadeaux de Noel.
Pour certains cela dure depuis plusieurs semaines; pour d'autre ça se concentrera sur les quelques heures qui précèdent le réveillon.
Excitation, exaltation, stress, "passionnements" et déceptions animent cette course folle des cadeaux de Noel.
Souvent nous avons envie de surprendre, de rivaliser, de marquer le coup comme on dit, pour faire plaisir généreusement ou pour attirer gratitude et reconnaissance.
Et pourtant nos cadeaux sont comme cet esprit que le moine veut offrir au maitre zen Hyang Bong; un seau d'ordure puantes.
Je vous vois froncer le front et crisper la bouche en lisant ces mots.
Héhé!
Certes, c'est plaisant un cadeau, moi même j'ai hâte de découvrir les miens aux pieds du sapant de Noel….moi même je me suis évertué à dégotter le plus joli cadeau pour l'homme que j'aime ainsi que pour mon entourage…moi même je n'arrête pas depuis plusieurs semaines de prévoir les plus "surprenantissime" cadeaux que pour l'heure je dissimules ici et là et que bientôt mon fils découvrira, les yeux pleins de lumières, au coeur de la nuit du 24…. Je suis le premier à me prendre au jeu, et j'aime ça!
Mais je ne puis m'empêcher de me dire "qu'est-ce que tu fais?"…"qu'offres-tu donc réellement?"…
Ne nous leurrons pas, même le plus généreux, le plus altruiste, le plus désintéressé des présents que nous offrons attends quelque chose en retour. Toujours.
Ne nous leurrons pas non plus, car dans ce que l'on reçoit aussi nous cherchons à obtenir, détenir quelque chose bien au delà du cadeau matériel. Pensez-y…
Dans ce que nous offrons, tout aussi bien que dans ce que nous recevons, tout au long de nos vies, nous cherchons plus ou moins consciemment ce qui va au delà du cadeau. Nous cherchons la satisfaction de l'autre, sa reconnaissance, notre propre satisfaction dans le plaisir de l'autre; nous cherchons aussi la valeur que l'autre met dans le cadeau qu'il nous offre, tout comme nous mêmes nous donnons une valeur dans l'échelle sur laquelle nous positionnons les destinataires de nos cadeaux. Il y a même des cadeaux que nous utilisons parfois pour punir, ou humilier…. Et, bien entendu il y a aussi tous ces cadeaux qui sont l'élan simple de l'envie de montrer notre amour notre affection pour l'autre.
En un mot, c'est l'amour, la bienveillance et la reconnaissance que nous recherchons.
Quoi qu'il en soit, dans le geste d'offrir ou de recevoir se déploie notre profonde recherche du trésor véritable, du Grand Cadeau. L'amour, le bonheur, le bien. Tout ceci est humain. Et puisque humain, tout ceci est noble et beau. Même dans nos gestes fragiles, même dans ces gestes parfois violents, maladroits ou égotiques, c'est l'intangible que nous essayons de toucher par le biais du tangible.
Tous ces cadeaux qui parfois dégueulent au pieds de nos jolis sapins, sont les béquilles plus ou moins heureuses de tous ces "autres cadeaux" que nous n'arrivons plus à nous offrir.
Le temps qu'on s'accorde, le pardon qui vivifie, la simplicité étourdissante du coeur, la bonté qui sauve, la comprehension qui unit, l'acceptation de la différence, la main tendue avec bienveillance, un sourire franc et vrai les yeux dans les yeux. Le bien.
Funambules d'une vie éprouvante, qui nous mène à des existences à la surface de nous mêmes, nous devenons si lointains de nos paysages intérieurs regorgeants de trésors, que nous finissons par les oublier. Et, avec le temps nous croyons que le bonheur se trouve à l'extérieur de nous, c'est pour cela que la course aux cadeaux de Noel nous illusionne de faire là quelque chose de vraiment bien. Comme pour rattraper tout ce que nous avons perdu…...
Mais lorsque le beau ruban est dénoué, le joli papier défait, le cadeau découvert…que reste-t-il vraiment? Nous sommes-nous vraiment donné l'essentiel? Ou bien avons-nous meublé une histoire qui petit à petit se prive de sens, d'émerveillement, de spontanéité et de profondeur? Je constate ô combien le cadeau est devenu une histoire de valeur. Il faut que ça claque, que ce soit à la mode, que ce soir cher pour avoir du "poids".
Rappelez-vous de votre enfance, ou regardez les enfants autour de vous.
Leurs cadeaux aux yeux du monde n'ont pas une grande "valeur" et pourtant ils sont comme l'enseignement du maître Hyang Bong: il n'ont pas de prix! Ni une montagne d'or, ni votre propre vie en échange ne pourrait les égaler!
Pèlerins du monde et de l'existence, nous cherchons à laisser une trace, ou bien à en saisir une qui nous marque. Nous cherchons particulièrement en cette période de Noel ce grand enseignement, ce trésor qui libère le coeur…mais nous offrons-nous vraiment le plus précieux des présents?
J'entends sans cesse ce terrible chantage qui gravite au tour de Noel, cette rengaine qui est répétée depuis notre petite enfance, je l'ai entendue à nouveau cet après-midi lorsque je me trouvais dans un magasin pour choisir des Playmobil: "Si tu n'es pas sage tu n'auras pas de cadeaux!"…ou "si tu fais des bêtises le Père Noel ne passera pas!", "Si tu es méchant l'enfant Jésus ne t'apportera aucun cadeau"….
Quelle tristesse!
C'est cela que nous transmettons à nos enfants? Est-ce donc ceci l'enseignement que nous donnons du haut de nos vies? On est gentils pour obtenir un cadeau? Les efforts de notre droiture, de notre justesse, de nos engagements de bienveillance et de bonté servent donc à obtenir des cadeaux? les plus jolis cadeaux? Et de toute façon la plus part du temps même les "méchants", même ceux qui ont rompu le contrat, ont leur cadeaux bien empaqueté aux pieds du sapin. Alors quelle grande supercherie, non?
Quand j'étais petit, j'ai eu l'immense cadeau d'avoir des parents qui avaient compris cela.
Les cadeaux de Noel pour nous n'étaient jamais des effets spéciauux pour ponctuer un quotidien terne. Et pourtant nous en manquions de rien; au contraire nous surabondions.
A Noel, chez nous, nous faisions l'effort de tourner l'amour de notre foyer vers l'extérieur. Mon père nous aidait à confectionner des images, des tableaux, des petites sculptures ou des paniers de gâteaux, et ma maman nous aidait à composer des poésies. Nous nous évertuons à écrire les plus jolis mots et à réaliser de nos mains et avec notre coeur les plus jolis objets ou pâtisseries. Tout cela était destiné à ceux pour qui Noel est tristesse et solitude. ET croyez moi, tout au tour de nous, dans nos immeubles, dans nos quartiers, dans nos bureaux ou dans nos écoles il y a tant de monde pour qui un petit geste donnerait tout l'éclat à Noel, et au delà de Noel à la vie.
Puis entre nous, en famille, le soir de Noël, nous inventions une histoire mise en scène par de beaux dessins et poèmes, qui retraçait notre année écoulée ensemble; c'était le moment de tant nous pardonner, mais aussi de tant nous dire l'amour et la bienveillance, la reconnaissance ou la gratitude. Cela, croyez-moi était déjà notre plus beau présent.
Au fond qu'enseigne-t-il ce Maître Zen au jeune moine?
Que nous avons bon aller chercher les plus gros trésors, donner meme notre vie, soumettre notre esprit, nous impliquer aux plus gros efforts pour épater l'autre et ainsi obtenir son plus beaux présent…cette attitude n'est pas le plus précieux cadeau. Tout cela n'est pas le plus incomparable trésor qui libère le coeur et engendre le bonheur. La sagesse qui nous sauve n'est pas cela.
Nous portons en nous bien des trésors dans lesquels nous pourrions puiser en abondance pour nous offrir les uns les autres le plus incroyable bonheur, la plus profonde joie, ce bonheur et cette joie que ni le temps, ni la mode, ni les changements de la vie ne pourront nous prendre ou abimer.
Mais nous l'oublions facilement…..
Comment le moine a-t-il compris cela?
C'est lorsqu'il a cessé son brouhaha, ses gesticulations, ses recherches à vouloir épater, ou prouver quelque chose…c'est lorsqu'il a accepté de devenir lui-même un don qu'il a pu véritablement se libérer de toute entrave et revenir à la vie en plénitude.
C'est le voeu de Noel que je formule pour chacun d'entre nous.
Que nous cessions de nous pavaner, d'attendre et d'essayer d'épater ou de prouver notre amour, notre bonté, notre grandeur.
Pour devenir nous même amour, bonté et grandeur.
Le voeu que je fais est qu'en cette nuit qui réunit familles et amis, à chaque fois que nous nous offrirons un joli présent, nous soyons avant tout nous mêmes le présent aux autres.
A cet instant là, vous verrez, celui qui donne, celui qui reçoit et ce qui est donné ne feront plus qu'un. Il n'y aura plus alors ni exhalation ni déception, car nous nous serons offerts nous mêmes en profondeur et en liberté.
Et si cette année avec chacun des cadeaux que vous offrirez vous vous aventurerez à écrire un joli poème pour le destinataire de votre cadeau? Essayez ce premier petit pas…jusqu'au jour où vous deviendrez vous mêmes poème qui se donne et émerveille votre entourage. Ceux que vous aimez et bien au delà…
Maître Hyang Bong a souri.
Le ciel est bleu, l'herbe est verte.
Le jeune moine a cessé de courir dans tous les sens; il a juste tourné la tête et regardé l'autre. Il a vu véritablement le visage de l'autre.
Soudain l'autre est devenu le plus beau présent.
Et vous, quel est le prix de votre trésor?
Quel est votre trésor?
Tournez vous, un instant, un instant seulement et regardez vraiment les visages au tour de vous ce soir de Noel. Devenez présent dans le présent qu'est l'autre.
Je vous souhaite un Noel d'émerveillement et de trésors débordants….mais vous savez déjà quels sont les vrais trésors.
Federico Jôkô
moine zen